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Vers un monde de l'imaginaire
23 mars 2008

319 Viande sur pied et mort-vivant

image002    Dans cette époque troublée où de petits enfants trouvent la boîte d'allumettes en haut du placard, s'en servent pour incendier voitures et écoles maternelles, les parents sortent de ce cauchemar, se frottent les yeux avec un air hagard. Les adultes ne comprennent pas cette folie destructrice qui a emporté leur jeunesse pendant plus de trois semaines sans interruption et sur tout le territoire national. Pour mieux s'interroger, l'état d'urgence a été décrété, comme si une "guerre" avait été déclarée entre jeunes (avec des problèmes existentiels à définir) et autorités tutélaires (gardiennes de l'ordre républicain sans doute à redéfinir).
    Tout le monde, un jour a été jeune, a eu des mots avec ses parents plus ou moins forts. L'esprit rebelle est souvent l'apanage de la jeunesse; Gavroche, petit garçon des barricades parisiennes sous la Révolution est, en quelque sorte, un archétype du genre. Les grandes personnes se doivent de ramener le calme, de panser les plaies, de ranger le foutoir qu'ils ont mis dans leur chambre, bref, leur faire entendre raison; pour les plus âgés, les mettre en prison ou en maison de correction, leur "foutre la raclée quoi!"
    La répression est ce que les adultes savent le mieux faire: au moins quand on cogne, cela évite de trop se poser de questions... Ça y est, le calme est revenu! Les plus grands esprits de la sociologie nous mettent sur les pistes médiatiques de l'insertion par le travail, des communautarismes à couleur raciale, de l'architecture des "clapiers", de l'islamisme anti-chambre du terrorisme, du corps des îlotiers démantelés par la droite,  de la polygamie, des rappeurs, des SDF/zonards qui se complaisent dans la fange... Tous ces arguments, plus ceux à venir étant censé culpabiliser les habitants, pauvres en général, des quartiers où ont eu lieu les incidents.
    Pour des raisons commerciales et de fausse route évidente pour ceux qui vivent de ces canaux: la télévision et ses séries qui montrent moultes explosions et tirs tendus, les jeux vidéo où on tue virtuellement ne peuvent être accusés. Que les jeunes soient baignés d'une forêt de lampadaires est normal, d'ailleurs tous les programmes politiques à gauche comme à droite s'appuient sur les mêmes bordures de trottoirs, les mêmes clôtures, le même éclairage nocturne. Pour cette raison (de pensée unique quant aux infrastructures urbaines et sociales) la perception des adultes est complètement brouillée, les causes réelles de ces émeutes risquent d'être mises au rebut avant même que celui qui a indiqué une "autre piste de compréhension" ait pu développé ses arguments.
    Dans un monde où il est plus important d'avoir une grande gueule et des arguments frappants, l'ouverture à des arguties exotiques ne se fait pas correctement. Nous passons devant les événements, certains d'avoir encore une fois de plus raison. Nous avons perdu la souplesse de la pensée et par la même occasion, l'écoute des autres. C'est un gâchis incommensurable, personnel et collectif. La preuve de faiblesse est considérée par le plus grand nombre comme une faillite; l'amour pouvant être pris comme une capitulation sentimentale deviendra, si on n'y prend pas plus garde, une tare. Notre société, insensiblement, met au pilori la douceur, puis tout logiquement encense les bourreaux ou à défaut les arnaqueurs. Nous devons sortir de cette logique folle qui broie tous les espoirs en un monde meilleur.
    Le dialogue que les autorités et les médias disent vouloir, se heurte dans la lutte pour la prise du micro. Les monologues de spécialistes diplômés s'enchaînent sur les ondes. "Il faut aller vite, installer des caméras pour surveiller tous ces sauvageons déscolarisés, qui choisissent en fin de compte de renier tous les apports bienfaiteurs du modèle social français": c'est ce que risque de conclure l'ensemble de la classe politique! Les premiers concernés par ces violences sont ceux qui s'y adonnent. Si les attendus sont déjà déterminés d'avance et analysés par "ceux qui ont déjà réponses à tout", les trois mois de couvre-feux n'auront servi à rien.
    De peur de révisions déchirantes quant au développement urbain, les gens bien-pensants se vautreront dans leurs certitudes de la compréhension globale du phénomène ultra-violent banlieusard et choisiront la répression, l'étouffement des aspirations des habitants, voire l'anéantissement de toute rébellion, contre une remise en question plus générale de leurs préceptes. Ce scénario n'est évidemment pas souhaitable, mais en définitive: pour qui travaillent les adultes; pour eux-mêmes ou pour leurs enfants? C'est à cette vision d'avenir que nous devons nous atteler, si nous voulons que les jeunes nous respectent quand nous seront plus âgés.
    "Gouverner, c'est prévoir"; pour être en dehors des arcanes du pouvoir, ces événements devaient être prévus sinon redoutés. Le couvercle de l'état d'urgence suffira t'il à contenir la révolte qui continue à couver dans les quartiers périurbains? Le proche avenir nous le dira certainement. Pour l'instant le problème se résorbe médiatiquement par un savant attentisme qui devrait fatalement déboucher sur l'oubli. L'urgence est bien sûr... de ne rien faire!

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